Marie-Christine Guilles- Journal du Parc 2025

Portraits Journal du Parc 2025

Découvrez 17 portraits inspirants, des hommes et des femmes qui insufflent vie et dynamisme à notre territoire. 

Marie-Christine Guilles

Résumé

Publié le 02/04/2020

Engagées et passionnées, ces personnalités incarnent l’essence même du Parc et de ses initiatives. Ces hommes et ces femmes œuvrent pour leur territoire.

Aujourd'hui, faisons connaissance avec Marie-Christine Guilles.

Marie-Christine Guilles - Éleveuse et bergère de brebis rouge du roussillon - Caucalières

Par un après-midi ensoleillé mais fouetté par le vent, nous arpentons le Causse de Caucalières et Labruguière pour rencontrer Marie-Christine Guilles, éleveuse passionnée et véritable gardienne de ce territoire unique. Elle nous accueille chaleureusement, entourée de sa famille : ses filles, sa mère, et une joyeuse troupe de chiens fidèles. Le plateau du Causse s’étend devant nous, un paysage de plaines calcaires où cohabitent pelouses sèches, parcelles cultivées, pâturées ou fauchées ainsi que des zones de landes buissonnantes. Ce site, exceptionnel pour le Tarn, se situe au croisement d’influences variées : la chaleur méditerranéenne, la sécheresse accrue par le vent d’Autan, une faible pluviométrie, et un sol très perméable. Ce terroir abrite une biodiversité remarquable, depuis les orchidées rares qui parsèment les sols jusqu’aux insectes et au lézard ocellé, emblèmes de la richesse naturelle du Causse.

Qui êtes-vous ?

Je suis Marie-Christine Guilles, je suis arrivée ici à l’âge de 3 ans avec mes parents, qui étaient éleveurs sur deux exploitations : Fontcaude et Auriol vieux. J’ai grandi au cœur du Causse, ce territoire magnifique que je parcours depuis l’enfance, notamment à cheval, et en accompagnant mon père qui était berger tous les jours et par tous les temps à la maison. Maman s’occupait des bergeries ! J’ai obtenu mes diplômes agricoles à Touscayrats, ce qui m’a permis de reprendre l’exploitation familiale.

Quelle est votre profession ?

Je suis éleveuse, car rien ne me fait plus plaisir que de voir naître mes bêtes et de veiller sur elles. Je suis aussi bergère et couteau suisse, car ici, il faut savoir tout faire ! Nous avons même ajouté des hébergements insolites pour montrer notre activité, nos pratiques et faire découvrir le Causse. Ma fille Jessica, qui m’a rejointe en GAEC il y a deux ans, s’occupe de cette partie. On ouvre un deuxième logement en décembre. Ce sont des bulles, confortables avec chambre et salle de bain ; certains viennent pour la découverte de notre activité, le cadre offert et d’autres pour l’expérience d’hébergement insolite.

Pouvez-vous me parler de vos pratiques d’élevage ?

Mon exploitation s’étend sur 187 hectares et toutes mes parcelles sont exclusivement situées sur le Causse. Les conditions ici ne sont pas faciles : c’est un environnement rude, et il faut composer avec de nombreux acteurs et réglementations. Les brebis sont le plus possible dehors, dès le mois de mars. Si on possédait plus de clôtures on pourrait améliorer les parcelles pour permettre un pâturage tournant. 


Pour protéger le troupeau contre les chiens errants, je travaille avec des chiens de protection des Montagnes des Pyrénées, dits patous, qui sont essentiels ici. Il y a Naho, une femelle qui n’a pas peur des humains, sociable mais très intuitive, elle sait à qui elle a à faire, elle m’accompagne depuis 2017. En revanche, Sioux, mon mâle, reste toujours aux côtés du troupeau, et est également très protecteur de ses brebis contre toute intrusion.
 

Quelle est votre relation avec votre troupeau ?

Les brebis sont une vraie passion pour moi. Mes parents ont choisi la race Rouge du Roussillon, des brebis incroyablement robustes et parfaitement adaptées à notre environnement. Elles sont rustiques, supportent bien la sécheresse et s’adaptent à tous les terrains. Ce sont d’excellentes mères, calmes et dociles.


La Rouge du Roussillon a un lien spécial avec notre région et une apparence reconnaissable : une robe marron chocolat, une petite pelote blanche, et une queue en partie blanche. On fait partie de l’association de sélection de cette race, et on fournit des béliers pour le centre de sélection ; c’est important pour moi de préserver et de promouvoir ces lignées., Elle a un autre atout : une viande avec une fibre fine et courte ce qui donne une viande fondante au goût persillé. On peut également utiliser sa laine.

Comment décririez-vous votre relation au territoire ?

Le Causse est un lieu que j’aime profondément, chargé d’histoires et à la végétation riche en plantes aromatiques, lui donnant des parfums naturels si agréables! C’est un espace où l’agriculture cohabite avec des usages variés, ce qui n’est pas toujours évident. Entre les randonneurs, les vététistes et les courses d’orientation, il faut constamment faire attention, particulièrement aux alentours du chemin blanc. Les gens se promènent souvent sur nos parcelles, dorment même parfois dans les parcs, ce qui crée des tensions. Et bien sûr, nos patous ne sont pas des chiens de compagnie ; ils peuvent impressionner les visiteurs par leur aboiement et leur corpulence imposante, mais ils sont là uniquement pour dissuader. De manière générale il y a une méconnaissance de leur rôle et des comportements à adopter en cas de rencontre. Nous organisons avec le Parc naturel du Haut-Languedoc et Benoit Redoulès de l’Institut de l’Elevage (IDELE) des journées de sensibilisation pour répondre à ces conflits d’usage croissants. 
 

Quelle est l’histoire de votre ferme ?

Mes parents m’ont transmis cette exploitation en l’état. Quand j’ai repris, il y avait tout à refaire : le troupeau et les terres étaient là, ce qui était déjà beaucoup bien sûr, mais il a fallu rénover tout l’équipement. Être une femme éleveuse n’a pas toujours été facile ; j’étais la seule fille dans ma promotion à Touscayrats, et j’ai souvent entendu qu’une fille n’avait pas sa place dans ce métier. Mais on rencontre tous types de personnes dans ce métier et certaines d’entre elles m’ont soutenue. Aujourd’hui, je suis fière du chemin parcouru. En 2022, j’ai rejoint la marque Valeurs Parc pour faire connaître notre métier et partager ce que nous faisons.
 

Pourquoi avez-vous choisi ce métier ?

«  L’élevage, c’est plus qu’un métier, c’est un mode de vie et souvent une passion ».

Il n’y a pas vraiment de week-ends, ou de vacances, on doit presque voler de petits moments de repos. Et en période d’agnelage, les journées sont sans fin. On s’y abîme beaucoup, il faut faire attention, je le dis souvent à ma fille. L’équipement coûte cher, la terre est rare, et les revenus ne sont pas toujours à la hauteur. Mais c’est aussi un métier magnifique : on fait naître des animaux, on travaille en pleine nature, et on en apprend tous les jours.


 

Comment voyez-vous l’avenir de votre exploitation ?

L’avenir est incertain, entre le climat qui devient de plus en plus hostile, les maladies et les prédateurs qui font leur retour. Les épidémies et les sécheresses impactent la reproduction et la santé des ovins de manière générale, et on doit souvent jongler avec les vaccins et les traitements pour les garder le plus en forme possible. Le Causse, je le connais par cœur, mais je n’ai pas toujours le temps de m’y promener comme je le voudrais. Il est important de continuer à sensibiliser chaque usager du Causse sur l’activité d’agropastoralisme, essentielle au maintien de ce milieu exceptionnel, afin d’éviter des situations conflictuelles lors des périodes de grosses fréquentations notamment.  

Crédit photo: Sedat Yagiz