Aigle de Bonelli - Journal du Parc 2025

Portraits Journal du Parc 2025

Découvrez 17 portraits inspirants, des hommes et des femmes qui insufflent vie et dynamisme à notre territoire. 

aigle de Bonelli

Résumé

Publié le 01/04/2020

Aujourd'hui, faisons connaissance avec l'aigle de Bonelli.

Aigle de Bonelli - Minervois

Expérience inattendue, nous partons à la rencontre d’une des aigles de Bonelli femelle du territoire installée depuis quelques années dans le Minervois. Nous l’apercevons qui vole au-dessus de nous. Pas de doute, avec son ventre tacheté qui contraste avec ses ailes plus sombres, c’est bien elle. Quand elle est posée, j’admire son magnifique plumage brun et la tâche blanche caractéristique sur le dos. Chose étrange, on dirait qu’elle porte un sac à dos.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Brenda, une aigle de Bonelli, ou pour les intimes, Aquila fasciata et pour les occitans Agla coabarrada. Je fais partie d'une espèce rare, protégée, et emblématique des milieux méditerranéens. Je suis plutôt petite pour une aigle, l’envergure de mon espèce varie entre 150 et 170 cm, et on peut peser entre 1,5 et 3 kg. Ah, et pour ce qui est de mon prénom, "Brenda", je préfère ne pas en dire trop pour l’instant... peut-être quand on se connaîtra mieux.

D’où venez-vous et quel a été votre parcours ?

Je suis arrivée dans le Minervois en 2009, après une période d’erratisme, ce moment où l’on explore du pays avant de trouver le bon territoire pour s’installer. 

Avec mon premier amour, Brandon, on s’est installés dans le Haut-Languedoc, sur les sites Natura 2000 du Minervois. Ensemble, nous avons eu une dizaine d’aiglons. Mais en 2022, il m’a remplacée par une aiglonne plus jeune venue de Catalogne... J’ai pris du recul et suis partie explorer d’autres horizons, une petite pause bien méritée. Puis j’ai rencontré un bel oiseau en 2023, un aigle né dans le massif de la Clape en 2018. Ensemble, nous avons décidé de reconstruire une nouvelle vie, une nouvelle aire, et nous nous sommes installés dans une autre gorge du Minervois. L’année dernière, nous avons eu un aiglon, signe que la vie est belle ici. J’espère en voir naître beaucoup d’autres à l’avenir.

Que faites-vous dans la vie ?

Je suis une aigle à plein temps ! Je dors, je me nettoie, je me nourris. Une vie d’oiseau quoi ! Mon territoire est situé en zone méditerranéenne qui se caractérise par des hivers doux et des étés chauds. Je préfère les garrigues avec des reliefs rocheux, pouvant atteindre 700 mètres d’altitude. Je suis une chasseresse redoutable, surtout d’oiseaux (70 % de mon alimentation), mais aussi de petits mammifères et parfois de reptiles. Mes proies favorites sont les perdrix rouges et les lapins de garenne.

«  Je suis au sommet de la chaîne alimentaire, mais l’homme et son mode de vie restent les plus grands dangers auxquels je dois faire face ».

Les réseaux électriques, les parcs éoliens ou encore le braconnage sont mes pires ennemis. Le dérangement humain peut également perturber mes cycles de reproduction lorsque leur présence se fait trop insistante et pas assez discrète… Je suis assez farouche ! Heureusement, je suis protégée en France et en Europe. 

Les réseaux électriques, les parcs éoliens ou encore le braconnage sont mes pires ennemis. Le dérangement humain peut également perturber mes cycles de reproduction lorsque leur présence se fait trop insistante et pas assez discrète… Je suis assez farouche ! Heureusement, je suis protégée en France et en Europe. 

Pourquoi avoir choisi le Haut-Languedoc ?

Le Minervois est parfait pour moi ! Je trouve ici tout ce dont j’ai besoin : des espaces ouverts, des zones rocheuses, et un climat adapté. Le Parc naturel régional du Haut-Languedoc, qui anime ce site Natura 2000, m’assure aussi une certaine protection. Le Parc travaille avec des grimpeurs, des bénévoles et des naturalistes pour surveiller ma reproduction et suivre ma santé. C’est grâce à eux, au CEN, à la DREAL et à l’association « La Salsepareille » que je porte ce fameux sac à dos : un équipement de télémétrie qui aide à mieux comprendre mes déplacements et donc mon domaine vital afin de mieux me protéger. 

Quel est votre lien avec le Parc naturel régional du Haut-Languedoc ?

Le Parc joue un rôle crucial dans ma protection. Il participe au suivi annuel de ma reproduction, de mes succès comme de mes échecs. En mai 2024, par exemple, des grimpeurs, des animateurs Natura 2000, le CEN et des bénévoles et salariés de la Salsepareille sont venus baguer mon dernier aiglon pour suivre son évolution, et en ont profité pour lui faire un bilan de santé et prélever dans notre nid des plumes et des restes de notre alimentation pour leurs études. Les sites Natura 2000 du Minervois sont aussi l’un des seuls endroits où je me sens vraiment chez moi. Ils ont été créés en partie grâce à ma présence et celle d’autres espèces emblématiques comme les chauves-souris. Je suis donc fière de contribuer à sa renommée.

Comment voyez-vous votre avenir ?

Je suis pleine d’espoir. 

«  Après des décennies de déclin, notamment en France, les efforts de conservation commencent à porter leurs fruits ».

Nous étions seulement 30 couples en 2013, mais aujourd’hui, notre population se porte mieux avec près d’une cinquantaine de couples et pourrait même augmenter avec le changement climatique. Si la méditerranéisation du climat continue, je pourrais m’étendre plus au nord à condition d’avoir des espaces d’accueil libres et calmes.
Je suis dans la force de l’âge, autour de 15 ans, et j’ai encore de belles années devant moi. J’espère voir naître encore beaucoup d’aiglons et contribuer ainsi à la survie de mon espèce. Tant que les falaises restent accessibles et paisibles avec des milieux ouverts à proximité, mes proies seront présentes et je pourrai continuer à prospérer. Je remercie d’ailleurs les acteurs qui souhaitent s’investir dans la réouverture de milieux, comme l’a fait la société de chasse de Quarante en collaboration avec la LPO et Natura 2000.

Et alors, pourquoi Brenda ?

Les agents du Parc m’ont nommée ainsi à cause du couple mythique que j’ai formé avec mon ex… qu’ils ont appelé Brandon ! Nous avons eu une relation très suivie et pleine de rebondissements, ce qui a marqué les esprits. Mais honnêtement, je ne suis pas vraiment fière de ce prénom. C’est un peu comme un souvenir d’une époque révolue, mais je m’y suis faite avec le temps.

Crédit photo: PNRHL - J. Casquet et Shutterstock